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Lettres à une chimère
5 février 2002

Lo de vie est une absinthe

Lo,

Contrarié, oui je le suis.

Je n'avais pas demandé le réveil, tout à mon sommeil imposé, et tu arrives, sans crier gare, avec ton charme, faisant basculer mes certitudes dans un élan de tendresse, de respect et de petite folie.

Pour aimer, il faut du cœur. Le mien est en miettes. Je les ramasse, tant bien que mal, avec l'idée de tout jeter à la poubelle, convaincu que rien n'est décidément pour moi en ce bas monde. Et cependant, un soubresaut, un hoquet qui me dérange et me fait tant de bien depuis dix jours, comme un baume, une onction de l'âme, un état de grâce, sans risque immédiat puisque tu en es là où tu sais et moi, moi, j'ai une fausse vie à laquelle je semble tenir, mais prête à craquer, dont je camoufle les lézardes avec mon réelle innocence. En vain. En mille raison de n'en plus vouloir aussi, certainement.

Je suis perdu en mer. Et la mer, c'est toi. Il me faut le pied marin. Il te faudrait savoir être Méditerranée ou Atlantique, tranquille ou déchaîné. Beurre ou ordinaire, la quintessence ou l'ersatz.

Qui est qui, qui veut quoi ? Quel est le tribut à payer, les chances de réussite, tout ça… ?

C'est dur, je le sais, et sois bien certain que, sauf le respect que je porte à ton chaos, le mien est pire parce qu'il sous-entend un autodafé de ce qui constitue pour ton serviteur un mode de vie, de pensée, de croyances, un tissu social, celui où l'on cache sa misère, bref un univers mal adapté, comme un mauvais costume. Tout renier, c'est se renier soi-même. Tu me demandais si je savais sacrifier… Avec ceux que j'apprends à aimer, la réponse est oui. Ce qui traduit veut dire que je me demande lequel des deux suicides vaut mieux pour moi : celui de ma vie supposée ou celui de ma chair et de mon âme ? Trente ans pour en arriver au même point, c'est carrément de trop.

Mais tu m'as fui. Je comprends l'isolement. Je sais, je sais, ces douleurs… Mais ce n'est pas fair-play de ta part, couardise à la petite semaine, oui, tu le dis toi-même… Je ne suis pas venu te chercher, tu as fait le coup du bélier avec le succès que tu te connais, et ensuite ? Ensuite, j'ai passé une soirée, une nuit et vraisemblablement une journée avec le cœur sens dessus dessous, la tête ailleurs, rêves à la con douchés comme pas deux par la froidure toute écossaise d'un texto laconique. Non, là, c'est un peu trop.

Pour me traiter ainsi, je te hais comme un frère. C'est le paradoxe du cœur. Et pourtant je ne t'en veux pas. Mais tu me fais mal. Alors qu'il y a dix jours, je souffrais en silence, voici que maintenant je somatise encore plus. C'est pas seulement de ta faute, certes. Mais tu en est l'instigateur. Toutefois, je ne m'en plains pas car l'idée, jusque là inaccessible pour moi, d'imaginer pouvoir retomber en amour, me fait du bien. Et d'autant plus parce que c'est grâce (à cause de ?) toi et que tu as mon entière estime.

En un mot ou en cent : ne m'ostracise pas, je trouve cela bien pire, Lo.

Et n'omets jamais que je ne te reproche rien, quoi que ce message griffonné à la hâte pourrait laisser supposer. Je suis un grand garçon, tu le sais…

Bien à toi,

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