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Lettres à une chimère
18 février 2002

"C'est dimanche... alors, bon dimanche ! Sous vos applaudissements !"

Petite séance de rattrapage dans notre série "je te montre comme je meurs" avec les pix de cette semaine dont je n'ai pu te faire profiter étant donnée ta maladie (mais oui, ta grippe, tu t'en souviens, ce veinard de Dark Vador en toi, et tout le toutim !?!) et ton outline attitude. Je te rappelle au passage que tout mégalo que je sois, je serais heureux d'obtenir quelques photos de mon Grand Circoncis...

Nous y voici donc, toi de retour à Corte à l'heure où tu reçois ces lignes, moi dans mon ennui avec double fond de désarroi, bref le meilleur des mondes, celui qui nous voit évoluer, chacun à sa place, "les papillons en l'air et... " (tu connais la chanson, je te l'ai déjà citée), à l'heure, disais-je, où j'écris ces quelques mots.

Car il te plaît, parait-il, de me lire. Et il me plaît de t'écrire, même si... Même si quoi d'ailleurs ? Même si ce n'est pas ce que je fais de mieux quand je me laisse aller en perfusion d'amertumes... Tu dois courir mes lignes, j'imagine, comme un mauvais roman, du genre qui passe le temps quand on attend des trains que l'on sait n'arriver jamais. Je vaux bien au moins toutes ces lectures anodines, je suppose. Mais derrière ce salmigondis de verbes, d'adjectifs exacerbés, de maux d'amour parfois, il y a ton serviteur. Et là, j'ai dépassé la fiction, mon rôle tend à me dévorer, prend l'âme que je sais avoir vendue au diable depuis, et me laisse au milieu de nulle part, pile au centre. Mais nulle part, la bras vides et la tête trop pleine.

J'ai évoqué mes aventures à Valéry, un de mes rares amis, au téléphone cette après-midi. Je crains de lui avoir un peu gâché la fin de ses vacances en Guadeloupe où il séjourne depuis un mois avec sa femme et ma petite nièce de cœur. Mon glissement l'interloque. Il me connaît, je ne lui ai jamais caché ma dualité, mais comme avec Ivan, dont je t'ai déjà parlé, je crois que l'un et l'autre n'ont de cesse de ne vouloir admettre combien je suis trouble, combien je vis dans l'urgence de ma délivrance, quelle qu'elle soit, pour en avoir assez vu tout en n'en rien faisant cependant. Et l'univers dans lequel je suis inscrit depuis toujours ne tolère pas certaines choses, c'est contractuel en fait. J'ai signé ; si je me défausse, je romps le pacte. Je perds au pire mon triumvirat au mieux mon histoire. Ce qui peut, si m'en croyez, toujours se faire… Il me faudrait juste une raison valable ; pas un coup de tête, pas un coup de pute, mais une raison de cœur. Le reste importe peu. Car je ne puis me louper, ce serait un luxe au dessus de mes moyens, évoluant déjà dans un vide social qui comblerait de joie le premier ascète venu s'auto-renier en paix...

Mais pourquoi t'écris-je tout ça ?

Peut-être parce que, du haut de mon mirador, tu sembles avoir retrouvé une certaine sérénité, un peu rapidement d'après moi, il est vrai. A l'heure où les grands fauves vont boire, moi, frêle antilope, j'attends qui la grâce qui le coup de dent léonin. Mais une chose est certaine : j'attends. Et comme j'attends avec grandeur !

Tel ce samedi, bluesy en masse, désœuvré, triste à mourir... Et finalement trop heureux la seconde suivante de voir arriver ta voiture, avec ce maniaque du cellulaire au volant, divinité d'opéra descendant de son nuage en plein dénouement ! Surréalisme de ces petits bonheurs qui ne posent pas de question, qui ne mangent pas de pain... Le cœur s'emballe, le chaud s'installe dans les veines… mais, c'est ainsi chez moi, s'évapore itou à l'idée qu'il faille regagner son abîme de loup solitaire un peu plus après…

Et tel ce dimanche aussi, même quête involontaire de non-sens. Mais sans l'heureux épilogue de la veille cette fois-ci

Or qu'est-ce qui me rend ainsi dépendant ? Puis-je le savoir ? Quel sort ?

Avant je m'ennuyais seul, par ma faute certainement, dans cette contrée où je ne connais personne, où je n'ai aucune réalité, aucune consistance, aucun vécu, excepté un malheureux triskèle léché à mon auriculaire par une vague de Propriano. Englouti, goulûment, comme un signe néfaste par la mer de juin...

Ainsi, ailleurs, c'était pire. Mais maintenant ce n'est pas mieux pour autant. J'ai l'obsession de tes possibles (viendra, viendra pas ?), de tes désirs (cerise festive sur gâteau ou tranche de vie ?), des "pourquoi moi ?", des "à quoi je sers ?" des "que fait-il en ce moment ?", "A quoi pense-t-il ?", bref toute une armada de questions à la con dont j'ignorais l'existence même avant cette fameuse séance d'EWS. Car il y a pour moi ici un avant et un après 28 janvier. Les ricains ont leur 11 septembre, moi j'ai mon 28 janvier. C'est comme ça. Je n'avais rien demandé et je me suis pris un Boeing en pleine gueule, trente étages bien rangés qui dégringolent d'un coup d'un seul ! Finalement, avec ta gueule d'ange, t'es un fieffé terroriste, Lo ! J'espère que c'est pour une bonne cause, sans quoi... "Much ado about nothing" comme disait l'oncle William !

Je dois manquer de cohésion, non, ce soir ? Je me trouve fouillis, à peine lisible. Je n'ai pas vraiment de fil rouge non plus, juste l'envie d'en tenir un qui me mène à toi, au moins pour un temps. Fil d'Ariane donc. Mais les Parques me guettent-elles ? Après tout, ce serait ce qu'elles auraient de mieux à faire pour m'éviter la honte de ce commerce qui s'ignore, où je me révèle pathétique face à un jeune homme qui joue l'évanescence salutaire quand je l'aimerais, parfois, plus prosaïque. Comme au début...

"La raison ou l'instinct ? Que te dit ta raison ? Que te dit ton intuition ?"

C'était là trois bonnes questions, me semble-t-il. Les réponses t'intéressent-elles toujours, Lo ?...

Pardonne, je te prie, l'humeur du trabané qui t'accompagne depuis trois semaines. Je ne suis pas toujours drôle, tu le sais. Mais peut-on décemment prendre à la légère les holocaustes que l'on abandonne sur les autels de sa foi à des dieux inconnus ? C'est douloureux, toujours, tout le temps. Ce n'est pas seulement à cause de toi, mais c'est aussi à cause de toi. C'est beau et suffocant à la fois. C'est la liberté, la mort, un carrefour pour moi.

Et l'éternelle devise : pile, tu gagnes ; face, je perds. Un jeu de dupes, à tous les coups...

Bien à toi,

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