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Lettres à une chimère
25 février 2002

Tandem, autant d'M

Un lit de différence, disions-nous ?

Voilà deux jours que le mien nous rassemble, comme deux frangins un peu incestueux, deux amants mâtinés in the mood for love, comme un charmant charmeur que tu es et un je ne sais quoi que je suis… Deux moments qui m’ont fait découvrir un bien-être étonnant, deux moments magiques pour ton serviteur mais bêtement obsédés par l’idée du départ et des fameuses miettes sur la table, où il ne me reste plus qu’à desservir un festin imaginaire… Dès lors, où en suis-je ? Te ferais-je donc du plat, suis-je bon cuisinier ?

Quelle drôle de situation, mais il me faut ressentir clair ce que je trouve en moi, et j’ai envie de te l’écrire pour que tu l’aies à ton arrivée en cours. Nous aimons n'est-ce pas cette excellente habitude, qui nous flatte l’un l’autre… J’ai bien tenté parfois de l’éradiquer, de la dominer, pour mieux croire en mon autonomie… Mais je me bats visiblement contre des moulins à vent, pauvre Don Quichotte sans monture ! Alors, cette fois-ci encore, je pêche donc, mais je sais que tu y trouveras plaisir, comme à chaque fois que nous communions par un truchement quelconque…

Ecrire donc. Et je ne parle pas d’avouer, ne croyant pas commettre une faute, pas même de goût, puisque je te trouve tout à fait au mien ! Tu es de surcroît un excellent chasseur de loup solitaire et ceci sans même utiliser de piège, excepté celui de mon hétéroflexibilité ! Mais là, ce n’est plus de ta faute, je le sais. C’est de bonne guerre. Tu assièges, moi je tombe alors que j’ai les moyens de me défendre (du moins le crois-je…). Et de faire de mon attaquant le héros qui occupe la totalité de ma petite vie depuis quelques semaines déjà… C’est beau un héros, ça exalte le cœur, et Dieu sait que mon cœur est exalté désormais. Ce qui traduit veut dire que tu es (trop ?) beau.

Alors, c’est absolument vrai, passer un samedi a chahuter sur mon lit, me faire bousculer, nous amuser d’agaceries enfantines, ça ne me trompe pas. J’ai passé l’âge depuis longtemps ; et toi aussi d’ailleurs. Or de quoi s’agit-il donc ?

Mais juste (le mot est bien faible à l’instar de la chair…) d’un extrême battement de cœur où l’on retient sa respiration, celui où, à contretemps, on souffre joyeusement dans la chaleur de l’autre, toucher son ventre, rougir à peine... On irradie un petit peu de son âme par un seul contact, un doigt, un bout de nez, une bouche. Tout en non-dit, en non-fait, tout tellement clair néanmoins. Quand tu me serres spontanément dans tes bras, fraternel, amical et fatalement charnel, baiser déposé sur ma joue, chose bête comme chou, haleine soufflée derrière mes oreilles, comme samedi, alors, oui, tout me tourne subitement, ma vie n’a plus de sens, ou plutôt elle en trouve un, telle l’altière girouette au vent du nord. Cela me glace à peine cependant que ce soit un garçon qui m’inspire tant de dévotions. Ce qui me gèlerait à jamais serait de me faire avoir ; mais pas d’aimer. Tu me sais capable de tous les sacrifices, bien que tu n’en saches rien en fait. Je te confirme pourtant que je me trouve encore et toujours à l’exacte frontière entre la mort et l’amour, l’un mène à l’autre et réciproquement parfois. Je ne sais vivre que pour ces choses-là, je n’ai jamais su me satisfaire de moi, n’ayant pas, au delà de mes apparences narcissiques, le talent de l’égoïsme…

Aujourd’hui, si ma mémoire est bonne, j’aurai été plus entreprenant ! L’envie irrésistible de t’enlacer, c’était plus fort que moi, c’était un torrent de tendresse qui m’étouffait, un ineffable désir de sentir un bout de ta vie contre moi… Comment te dire ? Que ce Lo m’appartienne un peu, une seconde, une minute, davantage. Il y avait dix mille ans dans tout cela… et si peu de temps pourtant. Pour ma piteuse part, tu le sais, je n’ai pas serré foule. Deux jeunes femmes, dont une que j’ai épousée, et toi donc. C’est bien peu. Et cela me semble déjà trop. Car je ne fais rien dans le jetable, j’aime seulement les diamants qui ne sont décidément pas que les meilleurs amis des filles… Que vaux-je dans un couple, qui me le dira ? Ange ou démon, beurre ou ordinaire ? Truth or dare ? Mais ce que je sais, c’est que mon absolue intégrité dans les sentiments ne m’autorise pas à batifoler dans les jardins que je traverse… J’aurais peut-être les doigts verts, qui sas ? mais je ne suis nullement intéressé par l’éphémère, je ne fais, ne donne, que par amour, et c’est un peu comme la comète de Halley, il ne faut pas la rater, sans quoi il y a peu de chances pour l’apercevoir une autre fois dans sa vie…

Ceci dit, je t’aurai ainsi tenu un instant, je me serai lové sur ton épaule, j’aurai effleuré chastement ta peau, doigts dans la jungle de tes cheveux, accolé ma joue à la tienne, et près de toi, contre toi… Ainsi, va… Cruel bonheur que celui-là ! Mais je le prends, je le prends ce putain de bonheur ! Je préfère la cruauté du moment (pour laquelle tu n’es en rien responsable, crois-moi bien) à la perte de ces joies simples.

"Mon Dieu, mon Dieu, laissez-le moi, encore un peu…" (toujours Piaf au texte, mais Marguerite Monot au piano, cette fois-ci). Même si je crains que Dieu ne me soit plus favorable du tout, à l’heure qu’il est… chose que je dois lui rendre plutôt bien d’ailleurs…

Te paraîtrais-je déplacé, osé, cru, lubrique, si j’avouais avoir ressenti quelque émoi en ta présence ? Pas besoin de grands mots, ni de grande démonstration non plus ("c’est énorme, vous dépassez Freud, mon cher !"), mais je sais l’état dans lequel je me retrouve ensuite. Et cependant, un détail, et si je t’écris ces lignes un peu volages c’est pour en arriver là : ne t’en déplaise, beau seigneur (ou saigneur ? mais alors on est en plein Psycho !?!), je ne fais pas de cochoncetés sous ma douche, malgré le tohu-bohu ressenti au fond de mon être ! Parce que, justement, toute ma subtilité est là : ce que je vis, ce que j’éprouve, et il s’agit bel et bien d’épreuve, de preuves aussi, je le situe à mille lieues d’un seul orgasme, d’une jouissance solitaire que j’imagine intense, mais tellement dérisoire face à la joie d’aimer quelqu’un chaque jour. Le sexe, donc ? Oui, un détail. Tu connais mon point de vue. Mais il s’agit bien d’un détail que j’aime, crois-moi, fut-ce le tiers de ma vie, mais seulement, ma différence avec toi, d’après ce que tu m’en dis, c’est que je sais le maîtriser tant que je ne parle pas d’amour. Et, par la force des choses, l’amour m’étant rare, la chair me l’est aussi. CQFD. Elle devient donc céleste quand je m’en approche.

Pourquoi t’ennuyer avec cela ? Juste pour que tu saches bien où tu m’emmènes. Permets-moi de te remercier déjà, car je te sais me respecter, je le sens, je le vois bien. Mais n’oublie jamais que si je peux être la catin la pire qui soit, n’ayant finalement rien fait mais tant imaginé, je n’en demeure pas moins au final, au réel, un romantique suranné. Cela ne fait-il pas une partie de mon charme que ce côté icône un peu inaccessible ? Et bizarrement, chaque jour où je te connais davantage, chaque jour qui m’émotionne voire m’émoustille, je me sens près de faillir, de brûler tout ce qui fait mon histoire, bref de me renier, renier le Jérôme, que je n’aime pas de toutes façons, l’obsédé morbide, le désenchanté, le garçon tellement poli qu’il en devient quelquefois transparent. Entre une vie normale, morale et formatée par procuration, par bigoterie, où je m’ennuie crânement, et une joie simple d’amour, je prends la seconde option. C’est mon carrefour, tu t’y présentes, c’est ainsi.

Lo… Il m’aura fallu si peu de temps pour renoncer à ma garde… Je me sens nu, vulnérable, dépendant mais avec un cœur qui t’accueille chaque jour encore et encore, où tu t’installes, Caterpillar, et politique de grands travaux… En fait dans mon malaise, je me sens bien, dès que tu es là. C’est idiot, c’est bête, pardonne-moi. Je ne devrais pas même dire, écrire cela. Comment puis-je me permettre de scénariser de la sorte ne sachant pas exactement ce que tu ressens quand toi-même tu perds pieds ? Il m’est acquis que je te trouble, tu m’en vois désolé et toutefois ravi. Mais si je devais n’être qu’un phantasme de chair, pitié, épargne-moi ! Me retrouver, un petit matin, dans les bras de quelqu’un qui ne m’aime pas serait pour moi la pire des choses. Je l’ai déjà vécue ; et plus jamais ça ! Parallèlement, n’être éventuellement résumé qu’à un obscur objet de désir m’humilierait ni moins ni plus. J’ai tout un cœur à prendre avant, je ne vis pas pour le sexe. Je déteste en cela l’image de mon père, elle me répugne. Je ne serai jamais, je l’espère, ainsi. Je veux juste être quelqu’un de bien, fut-ce homo, peu importe, mais quelqu’un de bien. Bien dans mon regard et, en miroir, en celui de l’Autre.

Voilà. C’est long c’est court. J’ose penser ne pas t’avoir trop ennuyé par ma prose un peu diluée. Il est vrai que j’avais au départ juste envie de te dire l’effervescence que je ressens en ces petites heures que nous passons, grands gamins, à refaire un monde. Ma tendresse t’est acquise depuis, tu le sais… Maintenant, je ressens d’autres choses et je ne peux, décemment, ne pas t’en faire part. Cela te flattera seulement, dans le pire des cas. Et dans le meilleur… tu me le diras…

Merci de ta présence en tous cas. Merci d’illuminer de ta fantaisie, de ta gentillesse et de ton charme insensé ces derniers jours. Ce soir, je te remercie de toi, que c’est cadeau pour offrande que de t’avoir à mes côtés. Et plus encore à mon flanc.

Du moins, j’espère ne point me fourvoyer ni t’embarrasser au delà du supportable…

Bien à toi,

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