Tandem, autant d'M
Un lit de différence, disions-nous ?
Voilà deux jours que le mien nous rassemble, comme deux frangins un peu incestueux, deux amants mâtinés in the mood for love, comme un charmant charmeur que tu es et un je ne sais quoi que je suis Deux moments qui mont fait découvrir un bien-être étonnant, deux moments magiques pour ton serviteur mais bêtement obsédés par lidée du départ et des fameuses miettes sur la table, où il ne me reste plus quà desservir un festin imaginaire Dès lors, où en suis-je ? Te ferais-je donc du plat, suis-je bon cuisinier ?
Quelle drôle de situation, mais il me faut ressentir clair ce que je trouve en moi, et jai envie de te lécrire pour que tu laies à ton arrivée en cours. Nous aimons n'est-ce pas cette excellente habitude, qui nous flatte lun lautre Jai bien tenté parfois de léradiquer, de la dominer, pour mieux croire en mon autonomie Mais je me bats visiblement contre des moulins à vent, pauvre Don Quichotte sans monture ! Alors, cette fois-ci encore, je pêche donc, mais je sais que tu y trouveras plaisir, comme à chaque fois que nous communions par un truchement quelconque
Ecrire donc. Et je ne parle pas davouer, ne croyant pas commettre une faute, pas même de goût, puisque je te trouve tout à fait au mien ! Tu es de surcroît un excellent chasseur de loup solitaire et ceci sans même utiliser de piège, excepté celui de mon hétéroflexibilité ! Mais là, ce nest plus de ta faute, je le sais. Cest de bonne guerre. Tu assièges, moi je tombe alors que jai les moyens de me défendre (du moins le crois-je ). Et de faire de mon attaquant le héros qui occupe la totalité de ma petite vie depuis quelques semaines déjà Cest beau un héros, ça exalte le cur, et Dieu sait que mon cur est exalté désormais. Ce qui traduit veut dire que tu es (trop ?) beau.
Alors, cest absolument vrai, passer un samedi a chahuter sur mon lit, me faire bousculer, nous amuser dagaceries enfantines, ça ne me trompe pas. Jai passé lâge depuis longtemps ; et toi aussi dailleurs. Or de quoi sagit-il donc ?
Mais juste (le mot est bien faible à linstar de la chair ) dun extrême battement de cur où lon retient sa respiration, celui où, à contretemps, on souffre joyeusement dans la chaleur de lautre, toucher son ventre, rougir à peine... On irradie un petit peu de son âme par un seul contact, un doigt, un bout de nez, une bouche. Tout en non-dit, en non-fait, tout tellement clair néanmoins. Quand tu me serres spontanément dans tes bras, fraternel, amical et fatalement charnel, baiser déposé sur ma joue, chose bête comme chou, haleine soufflée derrière mes oreilles, comme samedi, alors, oui, tout me tourne subitement, ma vie na plus de sens, ou plutôt elle en trouve un, telle laltière girouette au vent du nord. Cela me glace à peine cependant que ce soit un garçon qui minspire tant de dévotions. Ce qui me gèlerait à jamais serait de me faire avoir ; mais pas daimer. Tu me sais capable de tous les sacrifices, bien que tu nen saches rien en fait. Je te confirme pourtant que je me trouve encore et toujours à lexacte frontière entre la mort et lamour, lun mène à lautre et réciproquement parfois. Je ne sais vivre que pour ces choses-là, je nai jamais su me satisfaire de moi, nayant pas, au delà de mes apparences narcissiques, le talent de légoïsme
Aujourdhui, si ma mémoire est bonne, jaurai été plus entreprenant ! Lenvie irrésistible de tenlacer, cétait plus fort que moi, cétait un torrent de tendresse qui métouffait, un ineffable désir de sentir un bout de ta vie contre moi Comment te dire ? Que ce Lo mappartienne un peu, une seconde, une minute, davantage. Il y avait dix mille ans dans tout cela et si peu de temps pourtant. Pour ma piteuse part, tu le sais, je nai pas serré foule. Deux jeunes femmes, dont une que jai épousée, et toi donc. Cest bien peu. Et cela me semble déjà trop. Car je ne fais rien dans le jetable, jaime seulement les diamants qui ne sont décidément pas que les meilleurs amis des filles Que vaux-je dans un couple, qui me le dira ? Ange ou démon, beurre ou ordinaire ? Truth or dare ? Mais ce que je sais, cest que mon absolue intégrité dans les sentiments ne mautorise pas à batifoler dans les jardins que je traverse Jaurais peut-être les doigts verts, qui sas ? mais je ne suis nullement intéressé par léphémère, je ne fais, ne donne, que par amour, et cest un peu comme la comète de Halley, il ne faut pas la rater, sans quoi il y a peu de chances pour lapercevoir une autre fois dans sa vie
Ceci dit, je taurai ainsi tenu un instant, je me serai lové sur ton épaule, jaurai effleuré chastement ta peau, doigts dans la jungle de tes cheveux, accolé ma joue à la tienne, et près de toi, contre toi Ainsi, va Cruel bonheur que celui-là ! Mais je le prends, je le prends ce putain de bonheur ! Je préfère la cruauté du moment (pour laquelle tu nes en rien responsable, crois-moi bien) à la perte de ces joies simples.
"Mon Dieu, mon Dieu, laissez-le moi, encore un peu " (toujours Piaf au texte, mais Marguerite Monot au piano, cette fois-ci). Même si je crains que Dieu ne me soit plus favorable du tout, à lheure quil est chose que je dois lui rendre plutôt bien dailleurs
Te paraîtrais-je déplacé, osé, cru, lubrique, si javouais avoir ressenti quelque émoi en ta présence ? Pas besoin de grands mots, ni de grande démonstration non plus ("cest énorme, vous dépassez Freud, mon cher !"), mais je sais létat dans lequel je me retrouve ensuite. Et cependant, un détail, et si je técris ces lignes un peu volages cest pour en arriver là : ne ten déplaise, beau seigneur (ou saigneur ? mais alors on est en plein Psycho !?!), je ne fais pas de cochoncetés sous ma douche, malgré le tohu-bohu ressenti au fond de mon être ! Parce que, justement, toute ma subtilité est là : ce que je vis, ce que jéprouve, et il sagit bel et bien dépreuve, de preuves aussi, je le situe à mille lieues dun seul orgasme, dune jouissance solitaire que jimagine intense, mais tellement dérisoire face à la joie daimer quelquun chaque jour. Le sexe, donc ? Oui, un détail. Tu connais mon point de vue. Mais il sagit bien dun détail que jaime, crois-moi, fut-ce le tiers de ma vie, mais seulement, ma différence avec toi, daprès ce que tu men dis, cest que je sais le maîtriser tant que je ne parle pas damour. Et, par la force des choses, lamour métant rare, la chair me lest aussi. CQFD. Elle devient donc céleste quand je men approche.
Pourquoi tennuyer avec cela ? Juste pour que tu saches bien où tu memmènes. Permets-moi de te remercier déjà, car je te sais me respecter, je le sens, je le vois bien. Mais noublie jamais que si je peux être la catin la pire qui soit, nayant finalement rien fait mais tant imaginé, je nen demeure pas moins au final, au réel, un romantique suranné. Cela ne fait-il pas une partie de mon charme que ce côté icône un peu inaccessible ? Et bizarrement, chaque jour où je te connais davantage, chaque jour qui mémotionne voire mémoustille, je me sens près de faillir, de brûler tout ce qui fait mon histoire, bref de me renier, renier le Jérôme, que je naime pas de toutes façons, lobsédé morbide, le désenchanté, le garçon tellement poli quil en devient quelquefois transparent. Entre une vie normale, morale et formatée par procuration, par bigoterie, où je mennuie crânement, et une joie simple damour, je prends la seconde option. Cest mon carrefour, tu ty présentes, cest ainsi.
Lo Il maura fallu si peu de temps pour renoncer à ma garde Je me sens nu, vulnérable, dépendant mais avec un cur qui taccueille chaque jour encore et encore, où tu tinstalles, Caterpillar, et politique de grands travaux En fait dans mon malaise, je me sens bien, dès que tu es là. Cest idiot, cest bête, pardonne-moi. Je ne devrais pas même dire, écrire cela. Comment puis-je me permettre de scénariser de la sorte ne sachant pas exactement ce que tu ressens quand toi-même tu perds pieds ? Il mest acquis que je te trouble, tu men vois désolé et toutefois ravi. Mais si je devais nêtre quun phantasme de chair, pitié, épargne-moi ! Me retrouver, un petit matin, dans les bras de quelquun qui ne maime pas serait pour moi la pire des choses. Je lai déjà vécue ; et plus jamais ça ! Parallèlement, nêtre éventuellement résumé quà un obscur objet de désir mhumilierait ni moins ni plus. Jai tout un cur à prendre avant, je ne vis pas pour le sexe. Je déteste en cela limage de mon père, elle me répugne. Je ne serai jamais, je lespère, ainsi. Je veux juste être quelquun de bien, fut-ce homo, peu importe, mais quelquun de bien. Bien dans mon regard et, en miroir, en celui de lAutre.
Voilà. Cest long cest court. Jose penser ne pas tavoir trop ennuyé par ma prose un peu diluée. Il est vrai que javais au départ juste envie de te dire leffervescence que je ressens en ces petites heures que nous passons, grands gamins, à refaire un monde. Ma tendresse test acquise depuis, tu le sais Maintenant, je ressens dautres choses et je ne peux, décemment, ne pas ten faire part. Cela te flattera seulement, dans le pire des cas. Et dans le meilleur tu me le diras
Merci de ta présence en tous cas. Merci dilluminer de ta fantaisie, de ta gentillesse et de ton charme insensé ces derniers jours. Ce soir, je te remercie de toi, que cest cadeau pour offrande que de tavoir à mes côtés. Et plus encore à mon flanc.
Du moins, jespère ne point me fourvoyer ni tembarrasser au delà du supportable
Bien à toi,