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Lettres à une chimère
15 avril 2002

Faux pas et autres "il ne faut pas"

Lo,

Si je devais n'éprouver que des joies immenses à la lecture de mes courriers entrants, si je ne devais toujours obtenir que... comment dirais-je ?... de pleines satisfactions au moindre de mes desiderata, la vie serait d'une facilité (d)étonnante qui, en définitive, m'ennuierait copieusement. Contre toute apparence, je me bats plus que les gens ne l'imaginent peut-être, plus que tu ne le penses vraisemblablement. J'ai cette puissance passive qui me fait attendre tous les dégels possibles si tant est que je conserve l'espoir d'un ailleurs, d'un autrement, d'un autre aussi.

Dès lors, à quoi m'attendais-je de ta part, à ton avis, en ce lendemain dominical ? Un mail d'amour, une tirade de Cyrano à Roxanne ? Allons, mon Lo...! Je ne crois pas que je sois irrésistible, au delà de mon apparent et indécrottable narcissisme, au point (de chute) que tu me cèdes tant et plus, d'un seul coup, d'un seul faux pas, un seul et annihiles d'un revers ton couple actuel. Je n'ai jamais cru au Père Noël, ce ne sera pas ce printemps que je m'y emploierai. Tu peux en être certain, j'ai les saisons bien en tête, même quand l'hiver m'est rude...

Mais j'aime toutefois ta franchise, je n'en attends pas moins, d'ailleurs. J'aime parallèlement tes remords qui, en toute honnêteté, me confortent dans ce que j'estime déjà de toi. Ce serait bien trop facile sans quoi, et je préfère le défi.

Aussi crois-tu que ce soit une révélation que de me dire que tu "n'es pas prêt à abandonner qui je sais" ? Pourquoi en fait le ferais-tu illico presto ? Que sais-tu de moi en vrai ? Crois-tu vraiment que j'ai brûlé les étapes ?

Tu as tort jeune homme ; pas tant que toi, ne t'en déplaise ! Je suis loin de t'avoir "donné tout ce que tu désirais" ou alors tu n'es pas exigeant, car je suis bien plus complexe que cela, et je ne révèle de moi que ce que je veux bien révéler, ces fameux "secrets" que je garde, d'après toi... Bien évidemment, je ne te bluffe jamais et ne te blufferai pas, je te parle sincèrement, à mon initiative, à ta demande parallèlement. J'entends clair aussi et te fais une confiance totale pour je ne sais quelle raison... Une bonne intuition, sans doute. Cent doutes me seraient cependant plus salutaires, j'imagine, puisque mon dernier don de l'âme était envers Chloé, et je n'ai pas fondamentalement bien vécu le fait de voir mon intimité, la somme de mes impudeurs, ainsi vulgarisée, jetée en pâture aux chiens qui menaient cabale contre moi, empêtrés dans leur propres inhibitions et ratages...

Je devrais apprendre à me méfier de ceux qui mordent par leur tendresse. Je me méfie, mais... tu es venu vers moi, dans la douceur et, c'est plus fort que moi, je préfère croire que tu ne me piétineras pas, quoi qu'il advienne... Je te cause, je (te) prends, je (te) donne...

Je t'aime...? Certainement. Quoi que bien loin de ma limite, de ce que je suis en mesure d'offrir. Je me chauffe la voix, dira-t-on... ensuite j'ajusterai le tir des fois que l'occasion m'en soit accordée...

Or si je rassemble dores et déjà, en deux mois de temps, certaines de tes affections, certaines de tes amours dans le cas le meilleur, si je peux à ce jour me targuer de quelque chose de vrai ("je t'aime cela est sûr mais pas comme tu le souhaiterais plus qu'un ami, comme un petit frère"), il me semble que ce n'est pas si mal finalement, si peu de temps nous ayant liés et n'ayant, soyons clairs, rien vécu ensemble, ni souvenirs à proprement parler, ni jour ou nuit... Tu ne me verras donc point déplorer mon potentiel échec car, au contraire, je me réjouis de ce déjà succès. Je n’ai pas abattu la totalité de mes cartes, cher ange !

Donc, me rappelles-tu (à l'ordre), "je t'aime cela est sûr (...) mais pas comme mon amant" !

Encore une chance, Lo, que tu ne m'aimes ainsi ! Dois-je te rappeler, alors que tu ne le sais paradoxalement que trop, que tu as précisément une vie sentimentale en cours ? Je ne puis être, par définition, que le nouveau rouage, que l'infime grain de sable, qui vient dérégler le ronron de ton histoire, mais certes pas à ce jour le compagnon qui partagerait son temps, ses joies, ses ires, sa couche aussi...

Je ne suis donc (presque) rien. Pas encore quelque chose sous ce rapport, bien que, sois en certain, je sache me muer en entité érotique si le cœur (puisqu'il ne s'agit jamais que de cela) m'en chante (m'enchante aussi d'ailleurs !) ou faire du plat (je suis bon cuisinier si motivé et dans mes affaires !).

"Moi, le venin" t'ai-je susurré hier... Oui, je pique là où il faut, je vois les failles, c'est sûrement mon plus gros défaut que cette propension à la lucidité sur ce qui m'entoure, ceux qui m'entourent, comme sur moi-même, pétris de nos apparences fallacieusement étalées au soleil de la tranquillité... Sois convaincu, comme je le suis de toi, que je ne fais jamais volontairement de mal mais il est vrai que je tombe toujours malgré moi là où cela dérange, scanne les gens, leur vie, avec clairvoyance... ou cynisme diront certains... Je sais ce qui pêche, c'est mon drame. Je sais le vent, l'inanité, le leurre. Je ne sais certes pas tout, mais je sais tout cela, comme un sixième sens que je cultive depuis une quinzaine d'années...

Bien entendu, je n'ai pas mieux dans ma propre existence. Tant d'a propos ne me sert à rien. Pas de gloriole, par conséquent ! Mais au moins, je ne rêve pas ni ne fais véritablement passer ma vie pour ce qu'elle n'est pas. Je suis honnête, du moins j'essaye dans un maximum de circonstances. Et, bien sûr, mon honnêteté avec toi est sans faille. J'avance sans masque...

Mais si j'en suis là, si je m'interpose, si je m'instille, me distille dans ta vie, je n'y suis pour rien. Pas Valmont. Rien de planifié, rien de voulu. Seulement les choses de la vie, les intersections qui nous placent ça et là, et qui nous donnent à réfléchir, à compter les points, à compter les morts aussi, ceux qui ne le sont pas mais que l'on précédera malgré nous car, dans ces croisements, il y a parfois quelqu'un qui déboule, qui grille un stop... L'accident peut être terriblement excitant si j'en crois le Crash de Cronenberg !

C'est vrai que je pourrais abandonner cette idée de te gagner. D'ailleurs, je le ferai peut-être... si j’étais convaincu de son inutilité, de son caractère impossible. Mais l'improbabilité, le caractère de ce qui s'apparente à ce qui demeure, par essence, aléatoire, n'est pas suffisante en mon sein pour que ma raison prenne le pas sur mes sentiments et me fasse renoncer à l'entreprise.

Tu rappelles fort souvent, et j'aime quand tu me montres ne jamais l'oublier, que la démarche initiale fut tienne. Je ne suis que la créature du démiurge que tu es, mon bel apprenti sorcier ! Ne t'avise jamais, quoi qu'il advienne, à geindre de ton malheureux sort : il est expressément celui que tu as souhaité, l'espace d'un temps il est vrai, mais souhaité quand même, alors que tu vivais ton histoire à pleines mains et n'étais déjà "pas prêt à abandonner qui" je "sais et pour quelles raisons"... Pourtant tu es venu à moi, ne sachant rien, tentant le coup pour le coup... Et bingo ! C'est cette entreprise qui te trahit le plus, du fin fond de ta fidélité, en fin de comptes...

Evidemment, je ne me résumerai jamais à ce coup bien nommé, j'y mets une croix d'honneur, fut-elle lourde à porter car, en définitive, il me parait pouvoir le faire ! J'ai l'habitude des sacrifices, je n'ai nullement peur des arènes où l'on se fait bouffer cru par des lions enragés. Les miracles existent, précisément quand ils ne briguent pas l'impossible. Et sache que ta liberté contre la mienne n'est pas du domaine de l'impossible. Tout comme les brèches que je sais ouvertes, béantes, dans ton histoire. Je parle d'événements potentiels, d'aléas, de ce qui dépend de toi, de ce qui ne dépend pas de toi, je parle de tout ce qui t'échappe, je parle de la vie. Je suis le chemin (mais s'agit-il d'être ou de suivre ce satané chemin !?!)

Cette proximité, dangereuse et orgasmique proximité, te plaît, me dis-tu ?

Et moi donc ! C'est ici ton paradoxe que je constate, le seul que je sache appréhender... Mais sans en avoir peur, crois moi ! Ainsi, à cette fort belle heure de la veille où moi je pratiquais plutôt le silence extatique, le désir au ventre, les sens en éveil, toi tu respirais la jouissance de l'instant, l'effervescence à l'étreinte de l'être que tu tenais, peut-être l'être de ton imaginaire, celui de ma réalité en tous cas. Ton souffle court, saccadé, ta chaleur, tes baisers (donnés cette fois-ci), ont un langage... et ce, même dans une passivité toute relative, car je n'ai pas même employé de grands moyens ! Foncièrement loyal dans ma tendresse.

Au delà de ceci, ce seront cependant et précisément deux trois aveux échappés dans ta liesse de l'étreinte qui ne m'ôteront pas l'idée que je suis autre chose, ou plus réellement que je peux être autre chose, qu'une icône, une gueule que l'on dit mignonne ou un seul et sombre obscur objet de désir, fut-ce de plaisir... "Un ami", c'est certain, tout comme un "frère" (incestueux !), oui je sais être. Garçon sensible, léger, drôle, pas trop inintelligent, affreusement exalté, jaloux, perfectionniste, intérieurement irascible, sentimental, indécrottablement romantique, de mauvaise foi parfois, pas excité par la réussite (défaut viscéral du médiocre que j'assume être) mais par l'amour. Et peut-être, qui sas ?, un jour, juste quelqu'un de bien !

Mais je sais aussi être vierge et putain, le bien et le mal, le yin et le yang, Dieu et Diable à la fois. Je suis tout ce que tu fais de moi, tout ce que tu sais de moi, tout ce que tu ne fais pas aussi. Et davantage encore... Tout ce que tu ne sais pas et que je sais être.

Je suis bien plus énigme que livre ouvert, Lo. La transparence que l'on observe chez moi n'est jamais que celle que j'autorise à voir. Sois certain que j'ai toujours maîtrisé mon image depuis que j'ai dû apprendre à me protéger, semant le trouble, le doute pour mieux survivre. Cependant, et encore une fois, je ne t'offre pas un tour en bateau, mon bel ami. En revanche, il serait monstrueusement prétentieux de ma part de m'imaginer que tu vas piétiner ce que tu possèdes déjà pour mes seuls yeux. Je n'hypnotise personne ni n'ai jamais abusé de "mes charmes" (d'après ton expression consacrée d'hier!) pour séduire, pour faire succomber qui que ce soit ! Ce n'est pas dans mon schéma de pensée, je préfère que l'on m'aime pour ce que je suis intérieurement, avec mes faiblesses et mes forces, bien évidemment. Et cela, ça demande davantage de temps pour en saisir l'entière subtilité... Tout comme, à mon humble avis, je n'ai pas encore découvert le Lo intérieur par manque de temps et d'occasions... Mais je sais qu'il me plaira dès lors qu'il sera sincère. Les défauts ont leur charme, ne crois-tu pas, lorsqu'il sont crânement assumés ?

Donc, je n'ai rien d'un amant selon toi. C'est entendu. Sache que je ne suis assurément pas du genre à me fâcher, expressément lorsque je fais fausse route. Tu n'as donc pas à cultiver de craintes à ce sujet. Je sais le prix des choses, j'en accepte le risque. Tout ce que je touche ne se transforme peut-être pas en or mais cela ne m'empêchera pas d'essayer, pierre philosophale du bout des doigts. Du bout du cœur aussi. Je suis convaincu que je demeure ton seul faux-pas. Mais à toi d'en chercher les raisons, en toi, en lui, ou ailleurs. Tu connais les miennes.

Je ne me révélerai ni vampire, ni colonisateur, c'est certain. Tu me demandes de te faire la promesse de rester moi-même. C'est bien compris, je te la fais. A cette nuance près : j'ai toujours été moi-même, hier inclus. CQFD me demandes-tu ? Je te le démontrerai ! Je ne perds ni la tête ni le nord. La seule chose que je puisse avoir les moyens de perdre c'est du temps ; là est mon luxe au jour d'aujourd'hui. Et j'ai tout mon temps du haut de mon impatience...

Je suis et resterai ce que je suis, m'accommodant des points de détail, pas bégueule pour deux sous...

N'attends pas de moi un retour à la raison, ta raison, mon Lo. Nul mauvais procès entre nous, promis aussi. Tu n'auras, je n'aurai, jamais que ce que nous désirerons. A ces jeux-ci, il faut être deux. L'amour a ceci de commun avec la loterie qu'il fait appel au hasard, j'en prends le risque. Je l'ai pesé, pèse-le. Et si tu es honnête avec moi, sois aussi honnête avec toi, ouvre les yeux !

Rien ne se presse à qui sait attendre. Tu peux bien sûr m'exclure de ta vie si ceci te fait peur, à défaut de plaisirs suffisants. Un mot, un seul, et je sors car je deviens un grand garçon raisonnable avec le temps... Mais si je suis un démon, c'est dommage... car je me sens innocent !

Bien à toi, comme toujours.

 

- l'interdit, le faux-pas et que sais-je encore !?!

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